dimanche 30 juillet 2017

Etude sur le calendrier


Partie 1:
                      Le mythe de l'invention du calendrier rabbinique par Hillel II
Alors qu’auparavant, le commencement du mois était déterminé par l'observation de la Nouvelle lune par au moins deux témoins, Hillel II, le Président du Sanhédrin, inventa au 4è siècle le calcul calendaire. Telle est de nos jours la version couramment admise des faits. L’on notera toutefois que les deux Talmuds,  dont  la rédaction finale date des 4è et 5è  siècles, n’évoquent jamais l’existence d'un calendrier qu’ Hillel II aurait inventé. Le Karaïte Yehoudah Hadassi (12è siècle) répéta à plusieurs reprises dans son « Eshkhol Ha-kofer » que c’étaient les rabbins de Yavné, à la suite de Rabban Gamaliel II (fin premier  siècle), qui abolirent l’audition des témoins dans la fixation des dates et inventèrent le calendrier rabbinique. Yafeth ben 'Ali, quant à lui, attribua l'invention du calendrier rabbinique à Yitzḥaq Napaḥa, un Amora du 3è siècle (cf. Bémalkhout Yisma'el bitqoufat ha-guéonim p. 331 par Moshéh Gill). Le premier auteur connu à évoquer un nommé Hillel en relation avec le calendrier est Abraham bar Hiyya, un rabbin du 11ème  siècle, qui cite l’opinion du Rav Hayy Gaon (10ème siècle) :
 « ... Jusqu’ aux jours d’ Hillel fils de Yéhoudah, en l’an 670 de l’ère Séleucide [358 de l’ère commune], car cette année là, ils n’ont plus avancé ni retardé, mais gardèrent ce cycle qu’ils avaient en leur possession » עד ימי הלל בר' יהודה בשנת תר"ע לשטרות שמאותה שנה לא הקדימו ולא אחרו אלא אחזו הסדר הזה אשר בידם  (Sefer Ha-'ibbour 3,7)
  Le Ramba''n expliqua au 13è siècle qu'Hillel ben Yéhoudah et son Sanhédrin, ayant anticipé la dissolution du Sanhédrin et par conséquent l’impossibilité de se baser sur l’observation des témoins oculaires qui devaient obligatoirement se présenter devant les Sages du grand tribunal, mirent au point la computation calendaire et sanctifièrent d’avance toutes les dates jusqu’à l'avènement du Messie, lequel rétablira le Sanhédrin (Hassagot haRamba''n al séfer ha-mitzvot 153). Mais ce n'est pas ce que dit le Rav Hayy Gaon pour qui le mécanisme calendaire, auparavant gardé secret par les Sages qui ne l’enseignaient pas à la masse, n’a jamais eu pour auteur Hillel ben Yéhoudah. Au contraire, le calcul du mois et de l'année lunaire remonte à l'en croire au don de la Torah :
« Saches que cette computation calendaire que nous avons en notre possession ne remonte pas à Adam, et nous ignorons ce qui se faisait aux temps du premier homme. C'est pourquoi je dis que Moshéh Rabbénou (Moïse notre Maître) enseigna aux Israélites le fondement de ce secret » הוי יודע כי החשבון הזה אשר בידינו לא מן אדם הראשון רשנו אותו ואין אנו ידעין בימי אדם הראשון איך נעשו וכן אני אומר כי משה רבנו למד את ישראל עקרו של הסוד הזה (Sefer Ha-'ibbour 3,7)
Il explique que même si le Sanhédrin connaissait et utilisait le mécanisme du calendrier, ses membres pouvaient, en vertu de l'autorité qui leur a été conférée par la Torah, ne pas se conformer strictement au cycle de la longueur des mois et des années embolismiques tels qu'établis par la tradition héritée de Moïse. Mais depuis que le Sanhédrin a été dissolu aux temps d' Hillel fils de Yéhoudah, « ils n’ont plus avancé ni retardé, mais gardèrent ce cycle qu’ils avaient en leur possession » לא הקדימו ולא אחרו אלא אחזו הסדר הזה אשר בידם. Le Rav Hayy est explicite quant au fait que ni Hillel II ni les membres de son Sanhédrin ne sont à l'origine du système calendaire calculé : ils l’avaient déjà « en leur possession » בידם. L’ouvrage « Otsar ha-Guéonim » rapporte encore ces déclarations du Rav Hayy : «  Cette computation calendaire que nous avons entre nos mains, qui est le Sod Ha-‘Ibbour (secret de l’intercalation), était entre les mains des Israélites depuis les jours de Moïse notre Maître, et ils prenaient soin d’agir conformément à cette computation quand bon semblait au tribunal religieux » החשבון הזה אשר בידינו הוא סוד העבור היה בידיהן של ישראל מימות משה רבינו ומוזהרין לעשות לפיהו כשיראו בית דין .  Le Midrash Sod Ha-'ibbour dit aussi que le calendrier calculé a été donné à Moïse :
 « L'Eternel dit à Moïse et à Aaron dans le pays d'Egypte: Ce mois-ci sera pour vous le premier des mois ; il sera pour vous le premier des mois de l'année (Exode 12:1-2). A cet instant, le Saint Béni Soit-il transmit à Moïse les lois du calcul du mois lunaire, et les traditions et les détails des préceptes la régissant. Et il lui fit connaître comment intercaler l'année et comment fixer le mois pour accomplir Deutéronome 16,1: Garde le mois du Printemps , et fais la Pâque à l'Eternel  ... Et voici le cycle établi de l' ajout d' un 13è mois : La période synodique de la lune est de dix-neuf années parmi lesquelles la troisième est embolismique, ainsi que la sixième, la huitième, la onzième, la quatorzième, la dix-septième et la dix-neuvième. Lorsque ce cycle est terminé, il reprendra depuis le début selon ce principe et selon ce cycle d'une manière perpétuelle. Et bien que le Saint Béni Soit-il ait enseigné à Moïse les années non-embolismiques et les années embolismiques, l'autorité a été donnée à Moïse notre Maître et au Sanhédrin qui fut avec lui ainsi qu’aux Sanhédrins des générations futures de fixer les années selon leur volonté, car s'ils se concertent pour intercaler une année non embolismique, ils peuvent l'intercaler. Cependant, on n'intercale une année non embolismique que lorsque le Grand Sanhédrin existe en terre d'Israël. Et d'où ont-ils reçu cette autorité ? Du Lévitique XXIII,4 : Voici les fêtes de l'Eternel, les saintes proclamations, que vous proclamerez en leurs temps. Il est dit : Vous proclamerez. La proclamation vous a été confiée » ויאמר ה׳ אל משה ואל אהרן וגו׳ החדש הזה לכם ראש חדשים וגו׳, באותה שעה מסר לו הקב״ה למשה רבנו חוקות חשבון הירח ומסורות דקדוקי משפטיו. והודיעו היאך יהא מעבר שנים וקובע חדשים. לפי שנ׳  שמור את חדש האביב ועשית פסה ... וזהו סדרו של חדש המוסף. שנות מחזור הלבנה תשע עשרה הן, השלישית מעוברת והששית והשמינית ואחת עשרה וארבע עשרה ושבע עשרה ותשע עשרה, (ובפני) [וכן] יחזור כבתהלה על פי הערך הזה והסדר הזה תמיד. ואף על פי שלמדו הקב״ה למשה רבינו שנים הסדורות ושנים המעוברות, כבר נתן לו רשו ת ולסנהדרין שעימו ושבכל דור ודור לקבוע מועדים כרצונם, שאם נמלכו לעבר שנה שהיא סדורה יכולין לעברה, אבל אין מעברין שנד. הסדורה אלא בזמן שסנהדרין גדולה היתד. בארץ ישראל. ומנין שנתן להן רשות שנ׳ כח) אלה מועדי ה׳ מקראי קדש אשר תקראו אתם במועדם אין אומר כן אלא אשר תקראו. הקריאה מסורה לכם (Midrash Sod Ha-'ibbour)
De même que la Pesiqta de-Rav Kahana :
« Pendant 2448 ans, jusqu’à la sortie des enfants d’Israël d’Egypte, le Saint Béni Soit-il était assis, procédait à la computation, intercalait, sanctifiait les mois et les années. Lorsque les enfants d’Israël sortirent d’Egypte, il leur a confié [les calculs], comme il est écrit : « Et l’Eternel dit à Moïse et à Aaron en terre d’Egypte » (Exode XII,2). Que leur a-t-il dit ? Le Saint Béni soit-il leur dit : A compter de maintenant, je vous confie [les calculs], comme il est dit : « Ce mois-ci sera pour vous » (ibid) » כל אותן אלפים וארבעמאות וארבעים ושמונה שנה, עד שלא יצאו ישראל ממצרים, היה הקב״ה יושב ומחשב חשבונות, ומעבר עיבורים, ומקדש את השנים ומחדש את החדשים. כיח שיצאו ישראל ממצרים מסרן להם, הה״ד ויאמר ה׳ אל משה ואל אהרן בא לאמר, (שמות י״ב) מהו לאמר, אמר להם הקב״ה מכאן ואילך הרי הם מסורים לכם שנאמר החדש הזה לכם ראש חדשים. (Pesiqta de-Rav Kahana 43, paraschat ha’hodesh)
  Ce que confirme en ces termes le Talmud de Babylone :
 « Rabbah ben Shmouel répéta la tradition tannaïtique (תני, tanay): " La Torah déclare: comptez les jours et sanctifiez la néoménie, comptez les jours et sanctifiez la fête des semaines. [En d'autres termes], comme de la néoménie qui est comptée, la fête des semaines est comptée » דתני רבה בר שמואל אמרה תורה מנה ימים וקדש חדש מנה ימים וקדש עצרת מה חדש למנויו אף עצרת למנויו (Talmud de Babylone Rosh Ha-shanah 5a)
  Le Rav Saadia Gaon, le Président de l'école rabbinique de Baghdad au 9ème siècle, dit également à propos de la computation calendaire qu'elle remonte au don de la Torah :
 « En aucune manière, ni lorsque le Temple était encore debout ni après sa destruction, le Beth Din n'a  sanctifié les néoménies ou fixé les fêtes pour les Israélites en se basant sur l'observation de la nouvelle lune. Au contraire, depuis le don de la Torah et pendant toute la période du premier et du deuxième temple ainsi que celle de l'exil, les nouvelles lunes et les fêtes ont été déterminées selon les calculs calendaires que nous ont transmis nos Maîtres de mémoire bénie qui nous ont précédés et selon les principes et les halakhot qui s' appliquent de nos jours dans l' intercalation des années ... Tout ceci a été fixé au mont Sinaï et transmis en tant que tradition orale de bouche en bouche (ish mipi ish) depuis Moshéh Rabbénou , que la Paix soit sur lui ... Ceux de la génération d'Antigone de Sokho instituèrent l'observation de la lune lorsqu'elle se renouvelle au début du mois pour annuler les dires des Sadducéens et des Boéthussiens » דע כי הגאון ר' סעדיה זצ"ל ואחרים שהודו לו ונמשכו אחרי סברתו, הודו ואמרו כי מעולם, ואפילו כשהיה בית המקדש קיים, וכן משחרב ואילך, לא קדשו בית דין ראשי חודשים, ולא קבעו המועדים לישראל על פי ראיית הלבנה החדשה, ולא סמכו עליה כלל בשום זמן מהזמנים שעברו. אלא לעולם משנתנה תורה, וכל ימי בית ראשון ושני וזמן הגלות, לא היו קבוע ראשי חודשים והמועדים אלא על פי חשבון המתוקן הזה המסור בידינו מקדמונינו ז"ל, וכפי משפטיו והלכותיו הנוהגות בזמן הזה מעיבור השנים ... היה כל זה קבוע מהר סיני ונמסר בקבלה איש מפי איש ממשה רבינו ע"ה ... בני דורו של אנטיגנוס איש סוכו התקינו דין ראית הלבנה בחדשה בראש חודש כדי לבטל דברי צדוק ובייתוס (Saadia Gaon cité par Yitzḥaq ben Shlomo HaYisraeli : Yesod Olam 4,6)
C'est aussi ce que dit Baḥya ben Asher qui reprend l'explication de Rabbenou Ḥananel ben Houshiel (11ème  siècle) :
« Au sujet d'Exode XII,2 ( "ce mois-ci sera pour vous" ), l'intention de l'écriture n'est pas d'intercaler les années ou de fixer les mois selon l'observation de la lune, car en ce qui concerne la fixation des mois, il n'est pas dans le fondement de la Torah de se préoccuper avec l'observation de la lune: Si on la voit, c'est bien. Si tu ne la vois pas au moment de la fixation du mois, mais avant ou après ou même plusieurs jours après, il n'y a pas lieu de se préoccuper car la Torah ne nous a jamais enjoint de fixer les mois selon l'observation de la lune, mais seulement selon les calculs. Rabbenou Ḥananel, de mémoire bénie écrivit : " La détermination des mois est faite selon les calculs et non selon  l’observation. La preuve en est que pendant toutes les quarante années de séjour des Israélites dans le désert, le nuage les cachait le jour et le pilier de feu la nuit en sorte qu’ils ne voyaient ni le soleil le jour ni la lune la nuit ; et c’est ce qui dit la Bible : " Dans ton immense miséricorde, tu ne les abandonnas pas au désert, et la colonne de nuée ne cessa point de les guider le jour dans leur chemin, ni la colonne de feu de les éclairer la nuit dans le chemin qu'ils avaient à suivre " (Néhémie IX,19). Et comment pouvaient-ils alors déterminer les mois en se basant sur l’observation ? Indubitablement, le fondement du commandement est la détermination des dates selon les calculs. Et voici la tradition orale qui nous été transmise depuis les temps anciens : Il y a douze mois dans l’année.  Quatre d’entre eux comportent trente jours, cinq d’ entre eux comportent vingt-neuf jours, et deux d’ entre eux peuvent parfois comporter trente jours ou vingt-neuf jours chacun ou bien l’un en comporte trente et l’autre en comporte vingt-neuf. Ces deux mois sont Marḥeshvan et Kislev. La tradition qui nous a été transmise est que la néoménie de Tishri est le Nouvel An des années, et que chaque lunaison, selon la loi transmise à Moshéh au Sinaï, dure 29 jours, douze heures et 793 parties d'heures. Et tu retrouve ceci dans la Bible : " Des fils d'Issacar, ayant l'intelligence des temps pour savoir ce que devait faire Israël, deux cents chefs, et tous leurs frères sous leurs ordres " (1 Chroniques XII,32). Il n’existe aucune discipline qui nécessite le plus de sagesse et d'intelligence que le calcul calendaire qui est le Sod Ha'ibbour. Tandis que l’observation de la lune est quelque chose de sue : Car [dans un calendrier basé sur l'observation] lorsque la lune apparaît, tout le monde sait que c’est le début du mois, que Hag Hamatsot (la fête des pains sans levain) tombe le quinzième jour, que Rosh Hashanah (le Nouvel an) tombe le premier Tishri, que Yom Kippour tombe le dixième jour de ce même mois et que Souccot tombe le quinze. Quant au calcul calendaire, seuls les sages l’effectuent et font connaître les dates aux Israélites qui agissent sous leurs ordres. Et c’est ce qui est écrit : " Pour savoir ce que devait faire Israël, deux cents chefs, et tous leurs frères sous leurs ordres " (1 Chroniques XII,32), sous leurs ordres ils partent, sous leurs ordres ils viennent. Et tu retrouves ceci dans les paroles de David qui dit à Jonathan:  " Voici, c'est demain la nouvelle lune (Ḥodesh), et je devrais m'asseoir avec le roi pour manger " (1 Samuel XX,5). Et il est évident qu' ils fixaient les dates selon les calculs car comment David savait-il d’avance que le lendemain serait la nouvelle lune alors que la lune n'a pas encore été vue ?  Et non seulement cela, mais il est également prouvé qu’ils observaient deux jours de Rosh Ḥodesh (célébration de la nouvelle lune), comme il est dit : " David se cacha dans les champs. C'était la nouvelle lune, et le roi prit place au festin pour manger. Saül ne dit rien ce jour-là ; car, pensa-t-il, c'est par hasard, il n'est pas pur, certainement il n'est pas pur " (1 Samuel XX,24-26), et il est écrit : " Le lendemain, second jour de la nouvelle lune, la place de David était encore vide " (1 Samuel XX,27 ). L’on ne peut dire qu’il s’agissait d’une autre nouvelle lune. C’est pourquoi ils l’appelèrent " second jour de la nouvelle lune ",  comme il est dit : "  Et Saül dit à Jonathan, son fils : Pourquoi le fils d'Isaï n'a-t-il paru au repas ni hier ni aujourd'hui ? " (Ibid.), " Jonathan se leva de table dans une ardente colère, et ne participa point au repas le second jour de la nouvelle lune " (1 Samuel XX,34). Cela ne démontre t-il pas qu’il y eut, ce mois là, deux jours de célébration de la nouvelle lune, selon notre coutume ? C’est ainsi que procédèrent les Israélites qui acceptaient les mois établis selon les calculs pendant 1100 ans depuis l’époque de Moshéh Rabbénou jusqu’à Antigone, Rosh Golah et Président du Sanhédrin. Antigonos avait deux disciples : Tsadoq et Baythos. Lorsqu’ il leur enseigna : " Ne soyez pas comme des serviteurs qui servent leur maître en vue de recevoir une récompense" (Avot 1:3), cela engendra le doute dans leur esprit ; ils crurent qu’il n’y avait ni récompense ni punition. Ils s’écartèrent du droit chemin et commencèrent à saper la fixation du calendrier en affirmant que le fondement du commandement n'est pas la fixation du calendrier selon le calcul mais selon l’observation de la lune. Les Sages de la génération furent obligés de réfuter leurs propos par des preuves certaines. Nos Sages, de mémoire bénie, ont ainsi dit : " Voici ce qu’a dit Rabban Gamaliel: Ne vous empressez pas de regarder la lune ; le fondement est le calcul. J’ai reçu de la maison de mon grand-père [la tradition selon laquelle] la lune ne commence à se renouveler qu’à partir du 29ème jour, de la 12è heure et la 793è   heleq". Ces propos démontrent que Rabban Gamaliel ne se basait pas sur l’observation de la lune, mais sur les calculs » החודש הזה לכם ראש חדשים. קביעות החדשים אינה אלא על פי החשבון לא על פי ראיית הלבנה. והראיה שכל ארבעים שנה שהיו ישראל במדבר היה הענן מכסה אותם יומם ועמוד האש לילה ולא ראו בכלם שמש ביום ולא ירח בלילה וזה שאמר הכתוב ואתה ברחמיך הרבים לא עזבתם במדבר את עמוד הענן לא סר מעליהם להנחותם ואת עמוד האש בלילה להאיר להם (נחמיה ט') ומהיכן היו קובעים החדשים על פי ראיית הלבנה. אלא ודאי עיקר המצוה בכתוב על פי החשבון. והנה מסורת בידינו לעולם כי י"ב חדשי השנה, חמשה חדשים מהם כל אחד שלשים יום. וחמשה חדשים מהם כל אחד כ"ט יום. ושנים מהם פעמים ששניהם ל' יום ופעמים שהם כ"ט. פעמים אחד מהם ל' והשני כ"ט. ושני חדשים הללו הם מרחשון כסליו. ומסורת בידינו כי ר"ח תשרי ר"ח לשנים. וכן לכל חודש הלכה למשה מסיני כ"ט יום ומחצה ותשצ"ג חלקים. ומפורש תמצא ככתוב (דה"א י"ב) ומבני יששכר יודעי בינה לעתים לדעת מה יעשה ישראל ראשיהם מאתים. וכל אחיהם על פיהם ואין לך דבר שצריך חכמה ובינה לקבוע עתים ומועדים כי אם החשבון שהוא סוד העבור. אבל ראית הלבנה דבר ידוע. כי כשהלבנה נראית הכל יודעין שהוא ר"ח וחג המצות בט"ו ור"ה באחד בתשרי ויוה"כ בעשרה בו וסכות בט"ו בו אבל החשבון אינו אלא לחכמים מחשבין ומודעין לישראל והם עושים על פיהם. וזהו שכתב לדעת מה יעשה ישראל ראשיהם מאתים וכל אחיהם על פיהם יצאו ועל פיהם יבאו. וכן תמצא מדברי דוד ליהונתן שאמר (שמואל א' כ') הנה חדש מחר ואנכי ישב אשב עם המלך, לולא שעל פי החשבון היו קובעים ואולי לא תראה הלבנה ולא יקבעו מחר חדש. ולא עוד אלא שהדבר מוכיח שהיו קובעים ב' ימים ר"ח. שנאמר (שם) ויסתר דוד בשדה ויהי החדש וישב המלך על הלחם ולא דבר שאול מאומה ביום ההוא כי אמר מקרה הוא וגו'. וכתיב ויהי ממחרת החדש השני ויפקד מקום דוד ולא יתכן לומר כי ר"ח אחר הוא לפיכך קראו החדש השני. שנאמר ויאמר שאול ליהונתן בנו מדוע לא בא בן ישי גם תמול גם היום אל הלחם. ויקם יהונתן מעל השלחן בחרי אף ולא אכל ביום החדש השני לחם. הלא הדבר מוכיח שהיו באותו החדש שני ימים של ר"ח כמנהגינו עד עכשיו בהיות החדש יוצא וכן היו נוהגין כל ישראל לקבל חדשים על פי החשבון אלף ומאה שנים מימות משה רבינו ועד אנטיגנוס ראש גולה וראש סנהדרין. והיו בכלל תלמידיו שנים והם צדוק וביתוס. וכשדרש להם אל תהיו כעבדים המשמשין את הרב על מנת לקבל פרס נכנס ספק בלבם וחשבו שאין עונש ושכר ויצאו לתרבות רעה והתחילו לעורר בזה בקביעות הירח. ואמרו כי אין עקר המצוה לקבוע חדשים על פי החשבון כי אם בראיית הלבנה. והוא הדבר הצודק והמכוון. והוצרכו חכמי הדור להכחיש דבריהם ולהודיע להם בראיות גמורות. וכן אמרו ז"ל (ר"ה כ"ה א') כך אמר ר' גמליאל - לא תחושו לראיית הירח החשבון הוא העקר - כך מקובלני מבית אבי אבא שאין חדש של לבנה פחותה מכ"ט יום ומחצה ותשצ"ג חלקים. והנה דבריו הללו מוכיחין שלא היה ר"ג סומך על ראיית הלבנה כי אם על פי החשבון. (Rabbenou Beḥayye sur Exode 12,2)
Rabbenou Ḥananel cite d’autres preuves comme notamment ce texte de la Mishnah (compilée à la fin du 2è  siècle) :
  « Une fois, deux témoins vinrent et dirent : " Nous avons vu la lune à l’Est au matin, et à l’Ouest au soir". Yoḥannan ben Nouri dit : " Ce sont des faux-témoins ". Mais lorsqu’ ils sont venus à Yabneh, Rabban Gamaliel accepta leur témoignage. Deux autres témoins vinrent et dirent : " Nous avons vu la lune en son temps ", et la nuit de l'intercalation du mois, elle n’a pas été vue. Mais Rabban Gamaliel accepta leur témoignage. Rabbi Dosa ben Harkinas dit : " Ce sont des faux témoins. Comment ceux-ci peuvent-ils témoigner qu’une femme a accouché, et le lendemain, qu’elle est encore enceinte ? " » מעשה שבאו שנים. ואמרו ראינוהו שחרית במזרח. וערבית במערב. אמר רבי יוחנן בן נורי עדי שקר הם. כשבאו ליבנה. קיבלן רבן גמליאל. ועוד באו שנים ואמרו ראינוהו בזמנו. ובליל עבורו לא נראה. וקבלן רבן גמליאל. אמר רבי דוסא בן הרכינס עדי שקר הן. היאך מעידים על האשה שילדה. ולמחר כריסה בין שיניה (Mishnah Rosh Hashanah 2,8)
  Le Rabban Gamaliel II, Président du Sanhédrin de 80 à 111, n’était certainement pas dupe. D'après la Mishnah, c'était un expert en astronomie qui avait « des représentations de la lune dans sa chambre haute, sur une tablette et sur le mur » דמות צורות לבנות היו לו לרבן גמליאל בטבלא ובכותל בעלייתו (Mishnah Rosh Hashanah II,8). Rabbenou Ḥananel explique que  « si le Rabban Gamaliel s'est basé sur l'observation lunaire, et non sur les calculs, il aurait été clair que ces gens là étaient des faux témoins lorsque la lune n'a pas été vue le 30ème jour. Il est hors doute que le Rabban Gamaliel s'est basé sur les calculs et non sur l'attestation des témoins » ואלו היה ר"ג סומך על ראיית הלבנה ולא על החשבון בודאי שנתברר שכיון שלא נראה בליל עבורו שהם עדי שקר אלא בלי ספק שרבן גמליאל סמך על החשבון ולא על העדות העדים. La Mishnah et Rabbi Yoḥanan (239 à 279 de l'ère chrétienne) se réfèrent à cette situation lorsqu'ils parlent de « sanctifier une nouvelle lune qui n'a pas été vue en son temps » חדש שלא נראה בזמנו לקדשו (Mishnah  Rosh Ha-shanah II,7 ; Talmud de Babylone Rosh Ha-shanah 20a), ce qui démontre que l'observation de la lune n'avait alors déjà qu'un intérêt secondaire. Que le Rabban Gamaliel se soit basé sur les calculs, on le sait de par la Barayta (tradition orale antérieure au 2è siècle) qui figure dans le traité Rosh Hashanah du Talmud de Babylone :
« le Rabban Gamaliel leur dit : " J’ai reçu de la maison de mon grand-père [la tradition selon laquelle] la lune ne commence à se renouveler qu’à partir du 29è jour, de la 12è heure et la 793è helek "»  ת"ר פעם אחת נתקשרו שמים בעבים ונראית דמות לבנה בעשרים ותשעה לחדש כסבורים העם לומר ר"ח ובקשו ב"ד לקדשו אמר להם ר"ג כך מקובלני מבית אבי אבא אין חדושה של לבנה פחותה מעשרים ותשעה יום ומחצה ושני שלישי שעה וע"ג חלקים ואותו היום מתה אמו של בן זזא והספידה ר"ג הספד גדול לא מפני שראויה לכך אלא כדי שידעו העם שלא קידשו ב"ד את החדש  (Talmud de Babylone Rosh Hashanah 25a)
L'on peut être certain que le calcul calendaire est antérieur au Patriarche Hillel fils de Yéhoudah. La Mishnah, en effet, atteste qu'avant l'an 70, il était possible de connaître les dates des fêtes avant même les premières apparitions de la lune des mois pendant lesquelles les fêtes avaient lieu. La Mishnah Ménaḥot nous apprend qu'afin d'avoir suffisamment d'orge pour l'offrande de l'Omer au 16è jour du mois de Nissan au Temple, « on labourait la terre  la première année ; et pendant la deuxième année, on semait soixante-dix jours avant Pessaḥ » כיצד הוא עושה נרה שנה ראשונה ובשנה שניה זורעה קודם  לפסח שבעים יום (Mishnah Ménaḥot 8:2). Une Barayta déclare que « l'on pose des questions et l'on enseigne les lois relatives à Pessaḥ trente jours avant Pessaḥ » שואלין ודורשין בהלכות הפסח קודם הפסח שלשים יום (Talmud de Babylone Pessaḥim 6a). Une autre, intitulée « Sod Ha-'ibbour », expliquait le mécanisme du calendrier (Talmud de Babylone Rosh Hashanah 20b).
Nous sommes ainsi fondés à penser que les Juifs n’ont pas attendu le 4è siècle pour faire usage d’un calendrier fixé d'avance. Ceci est étayé par le fait que « depuis les jours d'Ezra », qui est considéré comme celui qui réintroduit la Torah au retour de l’Exil babylonien,  « on n'a jamais eu un Eloul de trente jours » מימות עזרא ואילך לא מצינו אלול מעובר (Talmud de Babylone Bétzah 6a, Rosh Hashanah 19b et 32a). De même, « l'Adar qui précède Nissan est toujours défectif (comporte vingt-neuf jours) »  אדר הסמוך לניסן לעולם חסר (Talmud de Babylone Rosh Ha-shanah 19b). Or, cela n'aurait été possible que dans un calendrier fixé indépendamment de l'apparition de la lune. En effet, ces mois auraient été de durée variable et auraient pu comporter trente jours dans un calendrier dont le fondement est l'observation lunaire. Dans le calendrier rabbinique actuel, la règle n'a pas changée en ce qu'Eloul et l'Adar qui précède Nissan sont toujours des mois de vingt-neuf jours.  Relevons également dans le traité Soukkah du Talmud de Jérusalem qui commente comme suit la Mishnah :
«   Rabbi Yossé dit: Il n'y a pas de 14 Adar qui tombe un deuxième jour ou un Shabbath; car si le 14 Adar tombe un deuxième jour, le Grand Jeûne (Yom Kippour)  tombera un premier jour de la semaine, et si le 14 Adar tombe le Shabbath, le Grand Jeûne (Yom Kippour) tombera un Arouvta (sixième jour) » א"ר יוסה לית כאן חל להיות בשני ולית כאן חל להיות בשבת חל להיות בשני צומא רבא בחד בשבא חל להיות בשבת צומא רבא בערובתא (Yéroushalmi Mégillah 1:2)
Ce passage suggère que du vivant de Yossé ben Halafta (2è siècle), le calendrier était identique au calendrier rabbinique actuel en ce qu’il existait déjà un nombre fixe de jours entre Pourim (le 14 Adar) et Yom Kippour (le 10 Tishri), en sorte que si Pourim était célébré un deuxième jour (Lundi), le jour du Grand Pardon tombait un sixième jour (Vendredi) et ce, même à l’époque où se réfère la Mishnah. Ceci atteste de plus que les deḥiyot (règles d’ajournements des fêtes) furent déjà en place dans le calendrier de l’époque (nous y reviendrons plus tard). D’après le traité ‘Avodah Zarah du Talmud de Jérusalem :
« Rabbi Youdan dit : « il existe un verset qui étaye ce que les collègues ont dit : " Le vingt-quatrième jour du septième mois, les enfants d'Israël s'assemblèrent, revêtus de sacs et couverts de poussière, pour la célébration d'un jeûne" (Néhémie 9 :1) …  Tu ne peux pas dire que c’était un Shabbath, car alors le Grand Jeûne aurait été  un premier Jour ». Qu’en est-il de cela ? Rabbi Houniah n’a-t-il pas objecté à ceux qui déplacent Yom Kippour d’où il se trouve ? Rabbi Yohannan bar Madaya dit : " Je l’ai calculé et ce n’était pas un Shabbath " » א"ר יודן קרייא מסייע למה דאמרי חברייא וביום עשרים וארבעה  לחדש השביעי נאספו בני ישראל בצום ובכי ובשקים ואדמה עליהם.  …אין נימא דהוה בשובתא לית יכיל דאת מחשב ואת משכח צומא רבא בחד בשובא.  ומה בה ולית ר' חוניה מיקל למאן דמעבר ליה מן אתריה.  א"ר יוחנן בר מדייא אנא חשב יתה ולא הוה בשובתא  (Yéroushalmi ‘Abodah Zarah 2b)
Le fait que Rabbi Youdan considère impossible que le 24è jour du 7è mois ait eu lieu un Shabbath car cela aurait voulu dire que Yom Kippour, le 10ème jour du 7è mois était un Dimanche ; démontre qu’il était d’avis que les règles d’ajournements étaient déjà en place aux temps bibliques. Encore plus intéressant est ce qu’a dit Yohannan bar Madaya qui prétend avoir « calculé » et découvert que ce jour n’était pas un Shabbath : Cela démontre que le calcul calendaire fut utilisé depuis l’époque de Néhémie et pendant toute l’ère talmudique.
Selon le Talmud de Babylone, le Père de Rabbi Simlai calculait les dates alors que le Sanhédrin existait encore (Talmud de Babylone Rosh Hashanah 20b). A la même époque, Shmouel de Nehardea (165 à 257 de l'ère chrétienne), qui se vantait de « pouvoir fixer les dates pour toute la Diaspora » יכולנא לתקוני לכולה גולה (Ibid.), s'est permis de « rédiger et envoyer le calendrier des soixante années suivantes » כתב שדר ליה עיבורא דשתין שנה à Rabbi Yoḥannan (Talmud de Babylone Ḥoulin 95b). La page 25b du traité Rosh Ha-shanah du Talmud de Babylone relate encore :
 « Rabbi Hiyya vit la vieille lune dans le ciel au matin du vingt-neuvième jour. Il prit une poignée de terre et dit: Ce soir nous voulons te sanctifier et tu es encore là ! Pars te cacher ! » רבי חייא חזייא לסיהרא דהוה קאי בצפרא דעשרים ותשעה שקל קלא פתק ביה אמר לאורתא בעינן לקדושי בך ואת קיימת הכא זיל איכסי (Talmud de Babylone Rosh Ha-shanah 25b)
Cet extrait, qui démontre sans l'ombre d'un doute qu'au IIè siècle, les Sages déterminaient les dates des néoménies avant même l'apparition de la nouvelle lune, est la preuve additionnelle que la computation calendaire est largement antérieure au 4è  siècle. Dans le cas contraire, l'on ne verrait pas comment Rabbi Hiyya Hagadol a t-il su que le Sanhédrin allait proclamer le mois nouveau à la tombée de la nuit alors que la nouvelle lune n'a encore été vue par personne. Faisons remarquer qu'il est astronomiquement impossible que la nouvelle lune soit observée au soir si la vielle lune est encore visible à l'aube.
Le Rashba, qui croyait que « la computation calendaire et la sanctification de la néoménie est une loi révélée à Moïse au Sinaï » ענין החשבון וקידוש החדש הלכה למשה מסיני, affirmait que quand bien même le Sanhédrin tenait compte de l'observation de la lune, le fondement était néanmoins les calculs העיקר הוא החשבון. « Si » déclare t-il par la suite « le calcul calendaire n'est pas une loi sinaïtique, comment auraient-ils [les Sages du Sanhédrin] pu accomplir ce que dit la Torah : Voici les fêtes de l'Eternel que vous proclamerez en leur moed (période) (Lévitique XXIII,4)? C'est la raison pour laquelle ce cycle calendaire nous a été établi  » ואי לאו הלכה למשה מסיני, שכל זה נכנס במה שאמרה תורה: אשר תקראו אתם במועדם; היאך יכולין לעשות כן לפיכך סדרו לנו את הסדר הזה. Quant à la « tradition » du Ramba"n, son Maître, selon laquelle Hillel II aurait été l'auteur du calendrier rabbinique, il avoua franchement ignorer sa provenance וקבלה היא בידינו שהסדר הזה תקנו הלל בנו של רבינו הקדוש. אבל לא ידעתי שום מקום לדבר זה ( cf. Téshouvot Ha-Rashba 4:254 )
Le Talmud de Babylone, dans le traité Rosh Ha-shanah 19b-20a, demande cependant: « Si [l'Adar qui précède Nissan] est toujours ḥasser (de ving-neuf jours) pourquoi [les témoins] profanaient-ils le Shabbath? » אי אמרת לעולם חסר אמאי מחללינן  (Talmud de Babylone Rosh Ha-shanah 20a). Reformulée autrement, la question est de savoir pourquoi les témoins avaient l'obligation de venir attester devant le Sanhédrin qu'ils virent la lune, et ce, même le jour du Shabbath, si de toute façon le mois avait une durée fixe et que l’on pouvait se passer de la déposition des témoins ? La réponse donnée par le Rav Naḥman dans la suite du texte est que « c'est un commandement divin de sanctifier la néoménie selon l'observation » משום דמצוה לקדש על הראייה, c'est à dire que même si les mois sont fixés d'avance, Dieu a néanmoins ordonné à ce que l'on observe aussi la lune lorsque les conditions le permettent. Sans doute, le Rav Naḥman était-il du même avis que le Rav Yom-tov Lipmann Heller qui écrivit dans son commentaire sur la Mishnah : « s’ils se basaient sur les calculs, pourquoi avaient-ils besoin des témoins ? Il n’y a aucune difficulté car il est écrit : ce mois-ci sera pour vous (Exode 12:2). Et la tradition explique que le Saint Béni soit-il montra à Moïse une forme de la lune et lui dit : « regarde la lune ainsi et sanctifie ». Ils avaient donc besoin des deux (l’observation et les calculs) pour qu’ainsi, ils soient témoins de l’évidence à tous les égards. Mais ils se basaient sur la computation » . נמצא שע"פ החשבון היו סומכין. ומה היו צריכין לעדים. לא קשיא דכתיב (שמות יג) החדש הזה לכם. ובאה הקבלה שהראה לו הקב"ה דמות הלבנה. וא"ל כזה ראה וקדש. ונמצא שהיו צריכין לשניהם שעל כל פנים יהיו עדי ראיה. ושהחשבון יסכים עמהם.(Tosafot Yom Tov, Rosh ha-shanah 2:8). Pour pleinement le comprendre, il convient de voir ce qu’enseigne la Mishnah à ce propos :
« Le Président du tribunal religieux dit: « Meqoudash (sanctifié) ! ».  Et tout le peuple répète après lui: « Méqoudash! Méqoudash! ». Que la lune soit apparue en son temps ou ne soit pas apparue en son temps, ils la sanctifient.  Rabbi Eleazar dit au nom de Rabbi Tsadoq : Si elle n’est pas vue en son temps, ils ne la sanctifient pas, car le ciel l’a déjà sanctifié » ראש בית דין אומר מקודש, וכל העם עונין אחריו מקודש מקודש. בין שנראה בזמנו, ובין שלא נראה בזמנו-מקדשין אותו. רבי אלעזר ברבי צדוק אומר, אם לא נראה בזמנו, אין מקדשין אותו, שכבר קדשוהו שמים (Mishnah Rosh Ha-shanah 2:7)
Ainsi, selon Rabbi Eleazar, lorsqu’ il arrivait que la lune n’ait pas été observée au premier du mois, cela signifiait que le « ciel », c'est-à-dire le tribunal céleste,  a déjà sanctifié le mois et le tribunal terrestre se contentait d'annoncer que c’était Rosh Hodesh. Par contre, lorsque la lune est vue au premier du mois, la sanctification du mois comme sa proclamation revient au tribunal terrestre comme l’enseigne la Mékhilta de-Rabbi Shime'on bar Yoḥay, un Midrash de l’époque tannaïtique, qui rapporte que « Dieu montra à Moïse une image de la lune et lui dit : Regarde là de la sorte et sanctifie » הראהו הלבנה באצבעו ואמר לו כזה ראה וקדש  lorsqu'il déclara « ce mois-ci sera pour vous » החדש הזה לכם  (Mékhlita de-Rashbi sur Exode 12:2).  En somme, c’est la sanctification du mois lunaire (qidoush ha’hodesh), et non sa fixation (qéviat yarha), qui dépendait de l’apparition de la lune. Cet extrait de la Mishnah implique par ailleurs qu’il arrivait parfois, comme dans le calendrier rabbinique actuel, que la date fixée comme le début du mois ne corresponde pas à l’apparition de la lune ;  la preuve encore une fois que le calendrier était dès lors déjà fixé indépendamment de l’observation. Bien que considérée dans la Guémara comme la halakhah (Talmud de Babylone Rosh Ha-shanah 24a), cette tradition ne faisait cependant pas l’unanimité. En effet, selon l’autre tradition rapportée dans cette Mishnah, la proclamation et la sanctification du mois revenaient au tribunal terrestre que la lune ait été observée ou pas. C’est la position adoptée dans la Guémara par Rav Kahana :
 « Lorsque le temple était encore debout, le Shabbath était transgressé pour tous les mois en raison de la fixation des sacrifices (cf. Mishnah Rosh Ha-shanah 1:4), et non pas parce que c'est un commandement divin de sanctifier selon l'observation. De même, pour Nissan et Tishri, le Shabbath était transgressé pour la fixation des sacrifices et non pas parce que c'est un commandement divin de sanctifier selon l'observation » כשהמקדש קיים מחללין אף על כולן מפני תקנת הקרבן מדכולהו לאו משום דמצוה לקדש על הראייה (Talmud de Babylone Rosh Ha-shanah 20a)
Autrement dit, même si le Sanhédrin déterminait les nouvelles lunes selon les calculs, les sacrifices dépendaient de l'observation du premier croissant par deux témoins.  La référence au culte du Temple nous laisse entrevoir que les principaux intéressés étaient les membres de la caste sacerdotale en fonction au Temple, dont on sait que la plupart étaient sadducéens, et que ceux-ci refusaient de procéder aux rites sacrificiels de la néoménie tant que les témoins de la nouvelle lune ne se présentaient pas. Nous avons là la confirmation claire de la véracité de la tradition rapportée par le Rav Saadia Gaon qui affirme que l'observation de la lune dans la fixation des mois n'a été instituée qu'à cause des Sadducéens qui objectaient aux Pharisiens que l'on ne devait tenir compte dans la détermination des dates que de l'observation lunaire.
     Ainsi, lorsque les mois étaient fixés « ḥasser » et qu'un fin croissant de lune apparaissait au lendemain du 29ème jour, les témoins venaient attester devant le Sanhédrin qu'ils virent la lune pour que les soixante-dix docteurs de la loi, sous l'autorité suprême du Président du concile, proclament le 30ème jour comme le premier du nouveau mois et sanctifient la néoménie. Lorsque, cependant, la lune n'était pas visible, les sacrificateurs sadducéens, pour lesquels la date de la nouvelle lune correspondait à la date de visibilité du premier croissant, refusaient de procéder non seulement aux sacrifices de la nouvelle lune mais aussi aux rituels des fêtes si leurs dates n’ont pas été fixées selon l’apparition de la lune. Pour remédier à ce problème, les anciens du Sanhédrin, en particulier aux mois de Nissan et de Tishri pendant lesquelles les fêtes majeures avaient lieu, « intimidaient des témoins pour qu'ils attestent avoir vu une lune qui n'a été pas été vue en son temps afin qu'elle soit sanctifiée, et même s'ils ne l'ont pas vu, ils doivent dire: nous l'avons vu » מאיימין על העדים על החדש שלא נראה בזמנו לקדשו אע"פ שלא ראוהו יאמרו ראינו (Talmud de Babylone Rosh Ha-shanah 20a). Inversement, lorsqu’il fallait rendre le mois plein,  ils pouvaient empêcher les témoins qui prétendaient avoir vu la lune au 30ème jour de témoigner : « Rabbi Yéhoshoua’ ben Lévi dit : les témoins peuvent être intimidés à propos d’une lune qui a été vue en son temps pour que le mois soit prolongé » מאיימין על העדים על החדש שנראה בזמנו לעברו  (ibid.) ; «  Rabbi Zeira dit au nom de Rav Nahman : La nouvelle lune est invisible pendant 24 heures. Pour nous [à Babylone] 6 heures appartiennent à la vielle lune et 18 à la nouvelle ; pour eux [en terre d’Israël], 6 appartiennent à la nouvelle lune et 18 à la vieille lune. Quelle est la valeur pratique de cette remarque ? Rabbi Ashi dit : pour réfuter les témoins » זירא אמר רב נחמן עשרין וארבע שעי מיום סיהרא לדידן שית מעתיקא ותמניסרי מחדתא לדידהו שית מחדתא ותמניסרי מעתיקא  למאי נפקא מינה אמר רב אשי לאכחושי סהדי (Rosh Hashanah 20b). Il est manifeste que l'essentiel n'a jamais été pour le Sanhédrin de savoir si le premier croissant de lune a réellement été observé ; seul le mécanisme calendaire leur importait. La chose ne dépendait que du Président du Sanhédrin, et non de ce que la lune ait été vue ou pas : « le Président du tribunal religieux dit: Meqoudash (sanctifié)! Et tout le peuple répète après lui: « Méqoudash! Méqoudash! », que la lune soit apparue en son temps ou ne soit pas apparue en son temps  » ראש בית דין אומר מקודש, וכל העם עונין אחריו מקודש מקודש. בין שנראה בזמנו, ובין שלא נראה בזמנו-מקדשין אותו (Mishnah Rosh Ha-shanah 2,7). La raison est simple : « sanctifier la néoménie selon l'observation n'est pas un commandement divin » לא בעינן מצוה לקדש על פי ראיה (Talmud de Babylone Erékhin 9b), mais une simple coutume instituée à cause des cohanim sadducéens,  « pour la fixation du sacrifice » מפני תקנת הקרבן  (Mishnah Rosh Ha-shanah I:4 ; Talmud de Babylone Rosh Ha-shanah 20a). D'un point de vue Pharisien, l'absence de témoins aux dates prescrites par le Sanhédrin aurait ruiné le culte rendu à Dieu car les rituels du Temple n'auraient alors pas été accomplis aux bonnes dates et il n’aurait pas été possible d’offrir « les sacrifices perpétuels selon leur ordre, et les sacrifices supplémentaires selon leurs lois » תמידין כסידרם ומוספין כהלכתם (Moussaf du Shabbath). L'on comprend ainsi que l'urgence fut telle qu'elle justifiait même aux yeux des Pharisiens, suivant le principe de la priorité des sacrifices sur l'observance du Shabbath (Talmud de Babylone Sanhédrin 23b), la transgression des règles d'observance sabbatiques par les témoins afin qu’ils puissent, lorsque la lune a pu être observée, faire le trajet nécessaire jusqu'au mont du Temple où siégeait le Grand Tribunal ainsi que la manipulation des témoignages par le Sanhédrin lorsqu'il arrivait que le jour où la lune devenait visible ne correspondait pas à celui qui fut déterminé comme le premier du mois. Citons également les propos du Rav Eviathar ben Eliahou Hacohen (1040-1109), le dernier Gaon de Jérusalem, qui fait remonter le calendrier rabbinique, non plus à Moïse ou à Hillel II, mais à Adam conformément à la tradition rapportée dans les « Pirqéi de-Rabbi Eliezer » :
 « Tous les calculs ont été effectués devant le Saint Béni Soit-il jusqu’à ce qu’Adam ait été créé et qu’on lui transmis dans le Jardin d’Eden la computation des jours et de nuits , des années et des mois , des équinoxes , des cycles et des embolismes comme il est dit : « voici le livre de la génération d’Adam ». Et Adam les transmit à Enoch et l’initia au Sod Ha-ibbour (secret de l’intercalation) … Et Enoch les transmit à Noé …. Et Noé les transmit à Shem …  Shem les transmit à Isaac … Abraham les transmit à Isaac son fils … Isaac les transmit à Jacob notre Père et l’initia au secret de l’intercalation lorsqu’il le bénit de toutes les bénédictions. Et lorsqu’il s’en alla de la terre d’Israël, il voulut intercaler l’année mais le Saint Béni soit-il : Jacob ! Tu n’a pas l’autorisation d’intercaler en dehors de la terre d’Israël. Voici qu’Isaac ton Père est en terre d’Israël, c’est lui qui intercalera l’année … Et Jacob les transmit à Joseph et ses frères qui intercalèrent l’année en terre d’Israël. Mais lorsqu’ils descendirent et Egypte , l’intercalation cessa jusqu’à ce que viennent Moïse et Aaron auxquels le Saint Bénit soit-il transmit de nouveau l’ Ibbour comme il est dit : « Et Dieu dit à Moïse et à Aaron en terre d’Egypte : ce mois-ci sera pour vous » , « Jusqu’à aujourd’hui j’ai gardé le secret de l’intercalation avec moi , mais dès cet instant l’intercalation vous reviendra » … Moïse fut à la tête de tout le Sanhédrin et gardait avec lui le secret de l’intercalation, et intercalait les années . Il ne l’a transmis à personne jusqu’au moment de sa mort. Il l’a ensuite transmis à Josué , et Josué aux Anciens , et les Anciens à Othniel fis de Qénaz , et Othniel à Phinéas , et Phinéas à Héli , et Héli à Samuel , et Samuel à Gad et Nathan , et Gad et Nathan à Achiyah de Silo , et Achiyah à Elie , et Elie à Elisée et Elisée à Amos, et Amos à Isaïe , et Isaïe à Yoel , et Yoel à Jérémie et Sophonie , et Jérémie et Sophonie à Ezéchiel et Barouch , et Ezéchiel et Barouch à Haggai , et Haggai à Zacharie et Malachie qui n’est autre qu’ Esdras le scribe , lequel était à la tête des hommes de la Grande Assemblée , et les hommes de la Grande Assemblée à Simon le Juste , et Simon le Juste à Antigone de Socho , et Antigone à Yossé ben Yoezer de Tsérédah et Yossef ben Yohannan de Jérusalem , et les deux à Josué b. Perahiah et Nittaï l’Arbelite , et les deux à Judah b. Tabbaï et Shime’on b. Shataḥ , et les deux à Shema’yah et Avtalion , et les deux à Hillel et Schammaï , et les deux à Rabbi Yo’hannan b. Zakkay , aux jours duquel le deuxième Temple a été détruit. Depuis Moïse notre Maître, le secret de l’intercalation n’a jamais été entre les mains de tout homme, mais seulement du Président du Sanhédrin. Yo’hannan b. Zakkay confia ce secret ainsi que la Yéshivah à Rabban Gamaliel le Prince et ses fils après lui.  Ce secret n’a pas été révélé jusqu’à ce que vienne Rabbenou Haqadosh  (Judah Hanassi). …. Nos rabbins enseignèrent encore : « Une fois, les cieux ont été couverts par les nuages et la forme de la lune est apparue dans le ciel le vingt-neuvième jour. Le peuple voulait proclamer que c’était Rosh Ḥodesh et le Beth Din demanda à sanctifier la néoménie, mais le Rabban Gamaliel leur dit : " J’ai reçu de la maison de mon grand-père [la tradition selon laquelle] la lune ne commence à se renouveler qu’à partir du 29è jour, de la 12è heure et la 793è  helek". Ce jour là, la mère de ben [Zaza] est morte et Rabban Gamaliel lui fit une grande oraison funèbre, non pas parce qu’elle le méritait, mais pour que le peuple sache que le Beit Din n’a pas sanctifié le mois ». Cet enseignement tannaïtique, que  le Beth Din demanda à sanctifier la néoménie mais que Rabban Gamaliel les en empêcha, implique le Sod Ha-ibbour fut entre ses mains et qu’ils se basaient sur ses décisions. Cet enseignement tannaïtique est la preuve qu’ils ne sanctifiaient pas sur la base de l’observation, puisque si l’observation était le fondement, Rabban Gamaliel aurait sanctifié la néoménie au 29ème jour à l’instant même où ils virent la lune. Et voici l’enseignement tannaïtique: « Rabban Gamaliel avait des représentations de la lune dans sa chambre haute, sur une tablette et sur le mur, qu’il montrait aux gens simples en leur disant : l’avait vu comme ceci ou comme cela ». Il n’y a aucune contradiction. Ils firent ainsi à cause d’une persécution et nos rabbins ont changés la coutume pour mettre fin à la persécution, mais en privé, ils le firent selon le calcul conformément à leur coutume antérieure qui provient d’Adam, le premier homme , comme il est dit : «  J’ai reçu de la maison de mon grand-père [la tradition selon laquelle] la lune ne commence à se renouveler qu’à partir du 29è jour, de la 12è heure et la 793è  helek » , « L’orbite de la lune est parfois longue , parfois courte . Rabbi Yohannan dit, quelle est la raison de cette tradition de la maison de Rabbi ? Il est écrit : Il a fait la lune pour les fêtes; Le soleil sait quand il doit se coucher (Psaumes 104 :19). Le soleil sait quand il doit se coucher, pas la lune »  (Rosh Ha-shanah 25a).  Et ils dirent : « Rabbi Hiyya vit la vieille lune dans le ciel au matin du vingt-neuvième jour. Il prit une poignée de terre et dit: Ce soir nous voulons te sanctifier et tu es encore là ! Pars te cacher ! », c'est-à-dire que l’on ne se base pas sur l’observation, car le fondement est le calcul  …. Et encore, nous n’avons argumentés à propos de l’observation lunaire que depuis les jours d’Antigone de Sokho et la scission de Tsadok et Baythos pour enlever la dissension en Israël, et rendre manifeste que le temps [fixé selon] le calcul correspond à la première visibilité de la lune. Une autre preuve encore : « Rabbi Eliezer bar Tsadok dit : si elle n’a pas été vue en son temps, on ne la sanctifie pas, car le ciel l’a déjà sanctifié. Rabbi Yehoudah dit au nom de Rabbi Shmouel : la halakhah suit Rabbi Eliezer bar Tsadok » (Rosh Ha-shanah 24a). « Rabbi Zeira dit au nom de Rav Nahman : La nouvelle lune est invisible pendant 24 heures. Pour nous [à Babylone] 6 heures appartiennent à la vielle lune et 18 à la nouvelle ; pour eux [en terre d’Israël], 6 appartiennent à la nouvelle lune et 18 à la vieille lune. Quelle est la valeur pratique de cette remarque ? Rabbi Ashi dit : pour réfuter les témoins » (Rosh Hashanah 20b) … Et si tu dis que l’observation est le fondement,  pourquoi réfuter les témoins ? Les témoins, eux, ne disent que ce qu’ils ont vu ! Au contraire, le calcul est le fondement. Et puisqu’ils témoignent du sujet d’une manière qui n’aboutit pas à nos calculs, nous les réfutons et l’on se base sur la computation. Ils disent aussi  à propos des deux Adars: « Ils procèdent ainsi en terre d’Exil, parce que nos Rabbins dirent que l’un sera toujours plein et l’autre défectif, jusqu’à ce qu’on te fasse savoir que Rosh Hodesh a eu lieu le 30ème  jour ». Et si l’on se basait sur l’observation, comme serait-il possible que l’un est plein et l’autre défectif pour l’observation de la lune à chaque fois qu’elle apparaît et que nous sanctifions le mois si ce n’est que le calcul est le fondement et que l’on ne se base pas sur l’observation ? Et quand ils envoyèrent le message à Mar ‘Ouqva que l’Adar qui précède Nissan est toujours défectif, tu apprends que l’affaire ne dépend que du calcul et que les Présidents du Sanhédrin informaient le reste du peuple. Et nos Rabbins ont enseigné : « On n’intercale l’année que si le Nassi le souhaite. Une fois, Rabban Gamaliel est parti obtenir une autorisation auprès du gouverneur de Syrie et il tarda à revenir, et ils sanctifièrent l’année parce que Rabban Gamaliel l’a souhaité. Et lorsque Rabban Gamaliel est revenu et dit : « Je le veux », l’année a été intercalée » (Talmud de Babylone Sanhédrin 11a). Pourquoi se préoccupe-t-on du fait que le Nassi le veuille ou non ? Tout simplement parce qu’on se base sur l’avis du Nassi car le secret de l’intercalation est entre ses mains et la chose dépend de lui »היו כל החשבונות מתחשבים לפני הק"ב עד שנברא אדם ומסר לו בגן עדן חשבון ימים ולילות שנים וחדשים תקופות ומחזורות ועיבורים שנאמר זה ספר תולדות אדם ואדם  מסרם לחנוך ונכנס בסוד העיבור...  וחנוך מסר לנח ...  ונח מסר לשם ... אברהם מסרו ליצחק בנו ... ויצחק מסרו ליעקב אבינו וניכנס עמו בסוד העיבור עם כל הברכות וכשיצא לחוצה לארץ בקש לעבר את השנה אמר לו הק"ב יעקב אין לך רשות לעבר את השנה בחוצה לארץ הרי יצחק אביך הוא בארץ יעבר את השנה  ויעקב מסר ליוסף ולאחיו והיו מעברין את השנה בארץ  כשירדו למצרים נתמעטו העיבורים עד שבא משה ואהרן וחזר הק"ב מסר להן העיבור  שנ' ויאמר יי אל משה ואהרן בארץ מץ לאמר החדש הזה ואמרי רב מאי לאמר אם להן הק"ב עד עכשיו היה אצלי סוד העיבור מיכן ואילך שלכם הוא לעבר  ... ומשה היה ראש לכל הסנהדרין והיה סוד העיבור אצלו והיה הוא מעבר את השנים ולא מסרו לאדם עד עת פטירתו. ומסרו ליהושע ויהושע לזקנים וזקנים לעתניאל בן קנז ועתניאל לפינחס ופינחס לעלי ועלי לשמואל לגד ונתן וגד ונתן לאחיה השלוני ואחיה לאליהו ואליהו לאלישע ואלישע לאמוץ ואמוץ לישעיה וישעיה ליואל ויואל לירמיה וצפניה ושניהן ליחזקאל וברוך ושניהן לחגי זכריה ומלאכי ומלאכי הוא עזרא הסופר. הוא היה ראש לאנשי כנסת הגדולה ואנשי כנסת הגדולה לשמעון הצדיק ושמעון הצדיק לאנטיגנוס איש סוכו ואנטיגנוס ליוסי בן יועזר איש צרדה ויוסף בן יוחנן איש ירושלים ושניהן ליהושע בן פרחיה ונתאי הארבאלי ושניהן ליהודה בן טבאי ושמעון בן שטח ושניהן לשמעיה ואבטליון ושניהן להלל ושמאי ושניהן לר׳ יוחנן בן זכאי ובימיו חרב בית שני ... ועוד מדרש דרבנן פעם אחת נתקשרו השמים בעבים ונראת לבנה בב׳ ושבעה לחדש, וכסבורין העם לומר ראש חדש הוא, בקשו ב״ד לקבעו , אמ׳ להן רבן גמל׳ כך מקובלני מבית אבא שאין חדשה של לבנה פחותה מעשרין ותשעה יום ומחצה ושני שלישי שעה וע"ג חלקים ואותו היום מתה אמו שלבן והספידה רבן גמל׳ הספד גדול ולא ראויה לכך אלא כדי שידעו כל העם שלא קדשו בית דין את החדש. מדקתני בקש ובית דין לקדשו ומנעם רבן גמליאל מיכלל שהסוד אצלו הוא, ועל פיו היו סמוכין. ותניא זה ראיה לדברי אומר שאין מקדשין על הראיה, שאם היתה הראיה עיקר היה רבן גמל׳ מקדש בעשרין ושבעה לחדש בשעה שראו את הלבנה. והא דתנן דמות צורת לבנה היה לו לרבן גמל׳ על הטבלה ובכותל שבהן מראה ההדיוטות ואומר להן הכזה ראיתם או הכזה ודקא קשיא לך לא קשיא, האי דקא עביד הכי שמד היה וראו רבותינו לשנות המנהג כדי לבטל השמד אבל בצנעה על פי החשבון היו עושים כמנהגם הראשון שמאדם הראשון ותניא אמר להן רבן גמל כך מקובל אני מבית אבי אבא שאין חדשה שללבנה פחותה מתשעה ועשרים יום ומחצה ושני שלישי שעה ועג חלקים ופעמים שבא בארוכה ופעמים שבא בקצרה אמר ר' יוחנן מאי טעמיה ו דבי רבי דכתיב עשה ירח למועדים שמש ידע מבואו שמש ידע מבואו ולא ירח ואמרי ר׳ חייא חזיה לסיהרא בצפרא בעשרין ותשעה, שקל קלא שדא ביה, אמר ליה לאורת אקא בעינא לקדושך ואת קיימת הכא, זיל ואיכסי למימרא דלא סמכינן אראיה כלעיקר אלא על החשבון ועוד לא שקלינן וטרינן בראיה אלא מימי אנטוגנס איש סוכו וחלוקת צדוק ובייתוס לסלוקי פלוגתא מישראל, ולגלוי מילתא כי כעת החשבן מכונת עד המולד. ועוד ראיה אחרינה דתנן ר׳ אליעזר בר׳ צדוק אם לא נראה בזמנו אין מקדשין אותו שכבר קידשוהו שמים ואמ׳ רב יהוד אמ׳ שמו׳ הלכה כר׳ אלעזר בר׳ צדוק ר זורא אמר רב נחמן עשרין וארבע שעי מיום  סיהרא לדידן שית מעתיקא ותמניסרי מחדתא לדידהו שית מחדתא ותמניסרי  מעתיקא  למאי נפקא מינה אמר רב אשי לאכחושי סהדי ... ואם יאמרת ראיה עיקר אמאי מכחשינן שהדי, שהדי במאי קא חזו משהדי, אלא חושבנא עיקר. וכי קא משהדי בענין דלא מטא לן חושבנא מכחשינן להן וסמכינן אחושבנא. ואמרי בשני אדרים כך היו נוהגים בגולה׳ משום רבינו אמרו לעולם אחד מלא ואחד חסר עד שיודע לך שהוקבע ראש החדש בזמנו. ואי סמכינן אראיה אמאי אחד חסר ואחד מלא ליחזי סיהרא אימת מיתחזי ומקדשינן ירחא אלא חושבנא עיקר ואראיה לא סמכינן וכד שלחו ליה למר עוקבה אדר הסמוך לניסן לעולם חסר הא למדתה דבחושבנא תליא מילתא וראשי סנהדרין קא מודעו לשאר עמא ועוד מדתנו רבנן אין מעברין את השנה אלא על מנת שירצה נשיא ומעשה ברבן גמל' שהלך ליטול רשות מהגמון אחד שבסוריא ושהה לבוא ועיברו את השנה על מנת שירצה רבן גמל' וכשבא רבן גמל' ואמ' רוצה אני נמצאת שנה מעוברת ואם שנת עיבור מה אנו חוששים אם ירצה נשיא ואם לא ירצה אלא לאו ש"ם דעל דעת נשיא קא סמכינן מפני שהסוד אצלו הוא והדבר תלוי בו  (Megilath Eviathar)
La tradition de l'audition des témoins continua toutefois pendant quelques décennies encore après l’an 70, mais seulement pour les mois de Tishri et de Nissan, pendant lesquelles les fêtes majeures avaient lieu. La raison, il va de soi, n’était plus « la fixation des sacrifices », lesquel céssèrent depuis la destruction du Temple, mais le maintien coute que coute de l’unité religieuse d'Israël. Certains, en effet, ayant finis par croire que le fondement était l'observation et/ou, pour reprendre les mots d'Eviathar Ha-kohen, « le temps [fixé selon] le calcul doit correspondre à la première visibilité de la lune », il y avait lieu de craindre qu'ils rejettent la décision du Sanhédrin et célèbrent les fêtes à des dates différentes s’ils venaient à apprendre qu’il n’en était rien. L’inévitable s’est cependant produit lorsque Yéhoshoua’ ben Hananiah, vers la fin du premier siècle, s’est rendu compte de toute la supercherie :
« Une fois, deux témoins vinrent et dirent : " Nous avons vu la lune à l’Est au matin, et à l’Ouest au soir". Yoḥannan ben Nouri dit : " Ce sont des faux-témoins ". Mais lorsqu’ ils sont venus à Yabneh, Rabban Gamaliel accepta leur témoignage. Deux autres témoins vinrent et dirent : " Nous avons vu la lune en son temps ", et la nuit de l'intercalation du mois, elle n’a pas été vue. Mais Rabban Gamaliel accepta leur témoignage. Rabbi Dosa ben Harkinas dit : " Ce sont des faux témoins. Comment ceux-ci peuvent-ils témoigner qu’une femme a accouché, et le lendemain, qu’elle est encore enceinte? ". Rabbi Yéhoshoua lui dit: " Je vois la force de ton argument ". Alors Rabban Gamaliel envoya un mot à Rabbi Yéhoshoua lui  disant : "Je t'ordonne de venir me trouver avec ton bâton et ton argent le jour qui, selon tes calculs, est Yom Kippour".  Rabbi ‘Akiva, qui est venu visiter Rabbi Yéhoshoua, le trouva affligé et lui dit: Je peux te prouver que Rabban Gamaliel a le droit d'agir comme il l'a fait, car il est écrit : "Voici les fêtes de l'Eternel, les saintes proclamations, que vous proclamerez  (Lévitique XXIII,4).  En leur temps ou non, je n'ai d'autres fêtes que ceux-là." Après cela, Rabbi Yéhoshoua se rendit auprès de Rabbi Dosa ben Harkinas qui lui dit alors : Si l'on pouvait douter de l'autorité du Beth Din (tribunal) de Rabban Gamaliel, il faudrait en faire autant à l'égard de tous les tribunaux depuis Moïse jusqu'à présent car il est écrit: Et Moïse monta sur la montagne, avec Aaron, Nadav, Avihou et les soixante-dix Anciens d'Israël. Et pourquoi le texte ne donne t-il pas le nom des soixante-dix anciens? C'est pour t'enseigner que chaque tribunal de trois anciens doit être respecté à l'égal de celui de Moïse. Par la suite, Rabbi Yehoshoua prit son bâton et son argent au jour qui, d'après son calcul, devait être Yom Kippour et il alla à Yabneh, auprès de Rabban Gamaliel. Rabban Gamaliel se leva, l'embrassa la tête et lui dit: Sois le bienvenu mon maître et mon disciple. Mon Maître en sagesse et mon disciple parce que tu m'as obéi " » מעשה שבאו שנים. ואמרו ראינוהו שחרית במזרח. וערבית במערב. אמר רבי יוחנן בן נורי עדי שקר הם. כשבאו ליבנה. קיבלן רבן גמליאל. ועוד באו שנים ואמרו ראינוהו בזמנו. ובליל עבורו לא נראה. וקבלן רבן גמליאל. אמר רבי דוסא בן הרכינס עדי שקר הן. היאך מעידים על האשה שילדה. ולמחר כריסה בין שיניה אמר לו רבי יהושוע, רואה אני את דבריך. שלח לו רבן גמליאל, גוזר אני עליך שתבוא אצלי במקלך ובמעותיך ביום שחל יום הכיפורים להיות בחשבונך.  הלך ומצאו רבי עקיבה מצר.  אמר לו, יש לי ללמוד שכל מה שעשה רבן גמליאל עשוי, שנאמר "אלה מועדי ה', מקראי קודש, אשר תקראו אותם" (ויקרא כג,ד)--"אשר תקראו אותם", בין בזמנן בין שלא בזמנן; אין לי מועדות אלא אלו.  בא לו אצל רבי דוסא בן הרכינס; אמר לו, אם באים אנו לדון אחר בית דינו של רבן גמליאל--צריכין אנו לדון אחר כל בית דין ובית דין שעמד מימות משה ועד עכשיו, שנאמר "ויעל משה, ואהרון--נדב, ואביהוא, ושבעים, מזקני ישראל" (שמות כד,ט).  למה לא נתפרשו שמותן של זקנים:  אלא ללמדך, שכל שלושה ושלושה שיעמדו בית דין על ישראל--הרי הם כבית דינו של משה.  נטל מקלו ומעותיו בידו, והלך ליבנה אצל רבן גמליאל ביום שחל יום הכיפורים להיות בחשבונו מדרבן גמליאל ונשקו על ראשו אמר ליה בו בשלום רבי ותלמידי רבי בחכמה ותלמידי שקיימת את דבר (Mishnah  Rosh Ha-shanah 2,8-10)
Comme nous en avons parlé plus haut, Rabban Gamaliel, qui a hérité du Sod Ha-‘Ibbour de son grand-père, Rabban Gamaliel l’Ancien dont le nom est évoqué dans le Nouveau Testament, s'est basé sur les règles du calendrier calculé et fixa Eloul, le mois qui précède Tishri, comme un mois de 29 jours comme il l’a toujours été « depuis les jours d’Esdras » (Talmud de Babylone Béitsah 6a, Rosh Hashanah 19b et 32a). Peu lui importait que ces témoins aient dit vrai ou pas puisqu' il ne s'est pas basé sur l’observation lunaire. Cependant, et comme c'est parfois le cas avec le calendrier rabbinique actuel, il y eut un décalage d'une journée entre le premier jour du mois et la première apparition de la lune. Rabbi Yéhoshoua ben Ḥananiah, quant à lui, était de ceux qui croyaient que le calendrier devait être fixé selon l’observation. Lorsque Rabban Gamaliel a appris que Rabbi Yéhoshoua avait l’intention de jeûner un jour après la date officielle établie par le Sanhédrin, il l’obligea à violer publiquement le jour qu’il croyait être Yom Kippour. Yéhoshoua’ ben Ḥananiah accepta de se soumettre à la décision de Rabban Gamaliel après que Rabbi ‘Akiva lui a enseigné que le Sanhédrin a le droit de fixer les dates comme bon lui semble, « en leur date exacte ou non ». Puisqu’ après cet incident, toute la supercherie fut révélée au grand jour, le Sanhédrin a éventuellement fini par réveler au peuple que la fixation du calendrier ne dépend pas de la visibilité de la lune :
« Nos Rabbins ont enseigné : Une fois, les cieux ont été couverts par les nuages et la forme de la lune est apparue dans le ciel le vingt-neuvième jour. Le peuple voulait proclamer que c’était Rosh Ḥodesh et le Beth Din demanda à sanctifier la néoménie, mais le Rabban Gamaliel leur dit : " J’ai reçu de la maison de mon grand-père [la tradition selon laquelle] la lune ne commence à se renouveler qu’à partir du 29ème  jour, de la 12è  heure et la 793è helek". Ce jour là, la mère de ben Zaza est morte et le Rabban Gamaliel lui fit une grande oraison funèbre, non pas parce qu’elle le méritait, mais pour que le public sache que le Beit Din n’a pas sanctifié le mois » ת"ר פעם אחת נתקשרו שמים בעבים ונראית דמות לבנה בעשרים ותשעה לחדש כסבורים העם לומר ר"ח ובקשו ב"ד לקדשו אמר להם ר"ג כך מקובלני מבית אבי אבא אין חדושה של לבנה פחותה מעשרים ותשעה יום ומחצה ושני שלישי שעה וע"ג חלקים ואותו היום מתה אמו של בן זזא והספידה ר"ג הספד גדול לא מפני שראויה לכך אלא כדי שידעו העם שלא קידשו ב"ד את החדש  (Talmud de Babylone Rosh Hashanah 25a)
Les anciens karaïtes prétendaient sur la base de ce texte  que c'était Rabban Gamaliel de Yavné, à la fin du premier siècle, qui a aboli l'observation lunaire et inventa le calcul du mois lunaire. A vrai dire et comme l'expliqua Rabbenou Hananel, le Rabban Gamaliel n'a fait que révéler au public que le jour de Rosh Hodesh n'est pas et n'a jamais été lié à la visibilité de la lune mais dépend uniquement et exclusivement du calcul du molad.
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